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Des mots pour l'écrire...
15 février 2012

Papa

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Par où commencer ?

 

Par le début, oui mais où se situe le véritable début ? J'ai la tête et le cœur à l'envers depuis plus d'un mois.

 

Partons de là, d'un post it d'une collègue ayant noté un message téléphonique en mon absence la veille. Sur le post it découvert donc un matin sur mon écran d'ordi : un numéro de téléphone portable et un nom à l'orthographe incertaine mais ressemblant à mon nom de jeune fille.
Bien sûr, j'ai rappelé et suis tombée sur l'ex-femme de mon père avec qui mes derniers contacts remontent à une dizaine d'années.

Celle-ci m'a annoncé le décès de mon père, je ne reviens pas sur les circonstances, assez tristes. Un décès, c'est toujours triste mais on peut aussi mourir entouré de ceux que l'on aime, et là c'est loin d'être le cas.

 

Même si je songeais parfois qu'il était peut être mort, même si mes questions restaient sans réponse, c'est si différent d'apprendre ça ainsi. Sur le moment, je n'ai pas vraiment réagi, je suis restée figée, anesthésiée, tout au long de la journée, j'étais comme à côté de moi-même, mon cerveau revenait sans cesse sur cette nouvelle tandis que mon corps semblait effectuer les mêmes gestes que d'habitude.

 

J'ai grandi sans lui, mes parents ont divorcé lorsque j'étais toute petite. Mes grands-parents m'ont élevée car ma mère était sans cesse malade. Il y a dans toute cette histoire, mon histoire, une part de vérité et une part de mensonge. Il y a ce qu'il s'est réellement passé et il y a ce qu'on m'a raconté, ce dont je me souviens, et tout ne concorde pas.

 

Je savais juste que née début octobre, j'avais passé mon premier Noël chez mes grands-parents, que mon père ne venait jamais me voir et que finalement son droit de visite n'avait jamais été exercé. Ma mère souffrait de dépression nerveuse, allant de rechute en rechute, cessant le travail, le reprenant pour en terminer finalement avec toute activité professionnelle.

 

Mes grands-parents ont été les plus aimants, les plus attentifs du monde. Leur perte à quelques années d'intervalle à cause du foutu crabe m'a déchirée.

 

Je n'ai pas en mémoire d'avoir aimé ma mère, je n'aimais pas son contact, je n'aimais pas son odeur, je n'aimais pas sa manière de ne vivre que pour moi, de m'étouffer, de sans cesse s'inquiéter plus que de raison au point d'être harcelante. J'ai trouvé mon salut dans la fuite, faisant des études courtes afin de pouvoir être indépendante rapidement, puis déménageant dès que j'ai eu quelques économies qui me le permettent.

 

La vie a été clémente avec moi, me faisant rencontrer mon amour, avec qui j'ai fondé une famille, la tribu, celle qui comprend les êtres qui comptent pour moi, les cinq doigts de la main.

 

Au décès de ma grand-mère qui a été la seconde à partir après mon grand-père, j'ai dû prendre en charge ma mère quasiment tout de suite. J'ai dû prendre des mesures pour sa sauvegarde, et celle de ses biens, devenant sa curatrice, gérant sa vie et son argent. Cette situation n'était vivable ni pour elle ni pour nous, les enfants étaient petits, j'avais ma famille, mon travail, d'autres soucis auxquels faire face. Et elle est ingérable... Un professionnel a donc pris le relais.

 

Et mon père dans tout ça ? Eh bien, nous avons eu des contacts de loin en loin. Une première visite dont j'avais un souvenir plus ou moins déformé d'une visite autour de mes cinq ans, une correspondance à partir de mes dix huit ans et pendant quelques temps. Puis silence à nouveau, une immense déception, des promesses de sa part non tenues . Il ne m'avait pas manqué, du moins je n'avais pas conscience du manque de lui, ayant grandi de manière heureuse malgré tout entourée par l'affection de mes grands-parents. Mais son retour dans ma vie de manière épistolaire m'avait fait espérer d'établir une relation, ceci n'a pas vraiment été le cas.

 

Plusieurs années plus tard, c'est moi qui lui ai fait signe, après la naissance de ma fille. Là ont eu lieu quelques rencontres, il est venu nous voir, craquant pour elle. Nous avons passé des moments ensemble, un réveillon en famille. Je me souviens d'un repas en tête à tête dans un restaurant où plus jamais je ne pourrai retourner. J'ai posé les questions qui me taraudaient depuis si longtemps, sans obtenir de vraies réponses...

 

Puis est venu le temps des reproches, des reproches sur le fait que j'avais donné à un inconnu la gestion de la tutelle de ma mère, de laquelle il s'était rapproché. Je n'ai pas su si l'intérêt le guidait, ou l'amour. Nous nous sommes disputés et plus jamais parlé.

 

Pendant ses années d'absence, il s'était remarié, ayant eu un fils. Il m'avait joint sa photo lorsqu'il m'avait écrit (l'année de mes dix huit ans) et ce petit frère si souriant au pied d'un sapin de Noël avait pesé lourd dans ma décision de correspondre. Je n'ai jamais eu l'occasion de le rencontrer, il est décédé tragiquement alors qu'il n'avait que vingt et quelques années...

 

Ce décès a précipité la séparation de mon père d'avec sa seconde épouse, celle là même qui m'a appelée le mois dernier. Elle n'avait plus mes coordonnées privées puisque nous avons déménagé et que j'ai changé d'adresse mail également, ainsi que de téléphone. Mais heureusement, elle s'est souvenue de mon employeur qui est resté le même, lui. Elle est admirable, a pris en charge toutes les pénibles formalités des obsèques et les premières démarches, et nous avons échangé de nombreux mails durant lesquels nous avons appris à nous connaître.

 

Elle a trié les papiers et les rares biens de mon père et m'a adressé ce qui me concernait.

 

C'est ainsi que la factrice m'a porté la semaine dernière un colis de presque huit kilos. Dans ce carton, soigneusement emballé, c'est comme si elle portait mon enfance, comme si elle m'apportait mes origines.

 

L'inventaire en est vite fait, c'est pourtant indescriptible :

 

  • une poupée

  • des photos de mes enfants, celles que je lui avais envoyées

  • un calendrier toujours avec mes enfants (seulement les aînés car il n'a pas connu le dernier)

  • l'album photo du mariage de mes parents

  • un album photo de sa famille

  • son passeport,

  • son livret militaire

  • des carnets de notes,

  • les documents de sa naturalisation,

  • mes lettres,

  • son alliance du mariage avec ma mère,

  • une chevalière en or,

  • des courriers d'un de ses frères, celui dont il était le plus proche et qui m'avait aussi visitée lorsque j'étais petite

  • la photocopie du jugement de divorce de mes parents.

 

J'ai parcouru tous ces documents, un à un, mettant de côté une enveloppe. Son ex-femme avait tout soigneusement trié et classé dans différentes enveloppes ou pochettes. J'ai été bouleversée, découvrant sur l'album de photos du mariage des visages amis, de gens qui ont entouré mon enfance et dont la plupart sont décédés. Découvrant son enfance, son parcours, il y avait aussi ses diplômes, il est allé dans le lycée où ma fille est en ce moment.

 

J'ai tout rangé, remettant à plus tard un tri.

 

Et puis l'après-midi, en posant les yeux à nouveau sur le carton, j'ai découvert l'enveloppe « documents du divorce » que j'avais mise de côté et oubliée tant j'étais bouleversée déjà.

Le plus dur restait à venir, en ce temps là les divorces par consentement mutuel n'existaient pas...

Il y avait des brouillons ou doubles de lettres écrites par mon père à mes grands parents, ses parents, pour leur expliquer la situation et l'échec de son couple. Cela ressemble à un puzzle dont les morceaux se mettent en place peu à peu, les miettes d'information que j'ai eues étant enfant se rassemblant et se recoupant pour raconter ce que fut le couple de mes parents.

 

Les choses auraient pu être si différentes, personne n'est à blâmer, chacun a fait ce qu'il semblait être le mieux pour protéger les gens qu'il aimait... Mais ça aurait pu être si différent. J'ai une telle impression d'immense gâchis. Ma vision des choses a été changée par le contenu de ce colis. Je crois qu'à présent, j'ai pardonné...

 

Mais la tristesse est là, immense. Quelques uns ou quelques unes peuvent me comprendre, mais pas tout le monde, la plupart des gens s'arrêtent aux apparences, au fait que finalement ce père là, je ne l'ai connu que quelques temps. Si peu dans une vie...
J'ai toujours témoigné que je ne crois pas réellement aux liens du sang, que ce qui importe est ailleurs. Que je me réclame du droit de ne pas aimer ma mère. Que ce qui compte c'est nous et nous cinq et pas seulement parce que j'ai porté les enfants et qu'ils sont de mon sang, mais parce qu'à proprement parler ils sont ma vie et ma raison d'être. Je me suis défendue de vivre à travers eux, de les étouffer parce que je voulais leur éviter ce que j'ai subi.

 

Et pourtant je ne peux le nier, il était malgré tout mon père, on retrouve certains de ses traits sur mon visage, j'ai hérité de son capital génétique et d'une certaine dureté parfois. Je regrette qu'on n'ait pu avoir des relations différentes, les regrets ne servent à rien, ils sont stériles, il est trop tard et pourtant dans ma tête je réécris le film.

 

Tout ceci se bouscule dans ma tête et mon cœur, et pourtant à la surface pas grand-chose ne se voit, je donne le change, du moins j'essaie.

 

Il y a le côté matériel aussi, je devrais hériter normalement de ce qu'il a laissé. Je me demande si c'est parce qu'il a oublié de prendre des dispositions contraires, si c'est ce qu'il aurait réellement voulu, si j'ai légitimement le droit à ceci. Cela servira à l'avenir de ses petits-enfants, peut être que c'est ce qu'il aurait souhaité.

 

 

 

 

 

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Commentaires
S
Ah oui j'oublais, je pense comprendre ta relation avec le voyage au Vietnam :)
S
Ah chère Venise...... je vais avoir du mal à me passer de toi si un jour nous aurons l'occasion d'avoir des journées entières de discussions sur la nature humaine, les relations humaines...<br /> <br /> "Je n'ai pas en mémoire d'avoir aimé ma mère, je n'aimais pas son contact, je n'aimais pas son odeur, je n'aimais pas sa manière de ne vivre que pour moi, de m'étouffer, de sans cesse s'inquiéter plus que de raison au point d'être harcelante. J'ai trouvé mon salut dans la fuite, faisant des études courtes afin de pouvoir être indépendante rapidement, puis déménageant dès que j'ai eu quelques économies qui me le permettent." Je n'ai pas souvenir de mémoire de lecture d'avoir lu un paragraphe aussi fort, aussi poignant, aussi véridique...<br /> <br /> Le genre de vérité assumée qui a été nécessaire pour pouvoir bâtir de nouvelles fondations... familiales notamment...Une question raisonne en moi à la lecture de ce billet très fort... aurais-tu pu avoir ta vie actuelle si tu n'avais pas cette certitude concernant ta maman ? je ne crois pas...sincèrement. Il faut savoir passer par ce genre de sentiment tranchant pour pouvoir passer un cap et tout reconstruire... je suis tellement admiratif ! merci pour ce partage si fort.
G
On t'embrasse bien fort Venise... Je dis "ON" parce que je sais que Pivoine, la Chouette, La Mouty t'embrassent. Tu es dans mes pensées tout le temps en ce moment.
V
Merci à vous Geneviève, la mouty, Pivoine et la chouette qui me comprenez un peu mieux sans doute aussi parce que vous me connaissez. <br /> <br /> Effectivement il fallait que ça sorte, plus ou moins maladroitement, plus ou moins déformé par mon regard...
V
on appelle ça des bébés OGINO je crois, un courrier dans le fameux colis l'indique sans équivoque... <br /> <br /> Il faudrait écrire tout un autre chapitre sur ma mère, mais là pour le moment, je ne peux pas.
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