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Des mots pour l'écrire...
15 août 2014

C'était hier

je n'ai pas su la soigner... 

 

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Alors voilà c’était hier que je l’ai revue. Il faut que je pose des mots sur ce moment là, que cela m’aide à m’en souvenir, que ça m’aide à évacuer le trop plein d’émotions…

Avant d’aller la voir, nous avons découvert le village haut perché de l’arrière pays où se trouve la maison de retraite où elle a été placée.  Puis nous nous sommes présentés à l’accueil, il était un peu tôt pour la réunion et une autre famille passait avant nous. On nous a donc conduits à sa chambre… Voir l’étiquette avec son nom sur la porte, c’est un tout petit détail mais qui commençait à ancrer dans la réalité cette rencontre…

J’étais dans un drôle d’état, j’avais mal au ventre.  L’infirmière qui nous accompagnait a frappé à la porte, et on a tout d’abord entendu sa voix répondre. On est entrés dans la chambre, une autre dame âgée était là, assise sur une chaise. Elle était allongée sur son lit, s’est redressée à notre entrée, nous saluant d’un « bonjour messieurs dames » qui m’a torpillé le cœur. A dire vrai, je ne l’aurais presque pas reconnue non plus, ses cheveux sont tout blancs à présent, ses dents sont abîmées et pour certaines absentes. Seuls ses yeux sont les mêmes…

Mon amour a été formidable, il est formidable, il l’est toujours. J’étais pétrifiée. C’est lui qui a entretenu la conversation, si l’on peut dire, car elle a du mal à entendre et fait souvent répéter. Elle répond brièvement aux questions. 

Il a tenté de lui dire qui j’étais, mais elle a semblé ne pas le comprendre. On est sortis de la chambre, faire quelques pas, aller sur la petite terrasse où les pensionnaires ont le droit de fumer. Nous nous sommes assis, tentant de dialoguer, et que c’était dur, et douloureux de s’apercevoir qu’elle ne se souvient de rien, ni de nous, ni des enfants, tout juste de la ville où elle vivait. On a fondu en larmes tous les deux, moi m’en voulant d’infliger ça à mon amour. « pour le meilleur et pour le pire » en ce moment c’est bel et bien le pire que je lui offre…

Elle est comme derrière une vitre, rien ne semble l’atteindre, c’est sans doute mieux ainsi, les souvenirs et les sentiments ne la font pas souffrir. Elle n’a pas réalisé qu’on pleurait un peu. Elle a retenu qu’on lui avait apporté des vêtements et son souci était qu’on les lui amène tout de suite mais les valises étaient encore dans la voiture.

Nous sommes rentrés, vers la salle de télévision, où d’autres résidents étaient là, dont certains gravement atteints aussi. Je ne détaillerai pas les conversations mais les larmes sont revenues et l’aide soignante adorable m’a emmenée à l’écart pour parler un peu. Elle  m’a dit combien ma mère est gentille, je le sais, elle n’a jamais été agressive même lors de ses crises.  Disant aussi qu’elle s’occupait,  me donnant des détails sur son quotidien.

Il y a eu l’heure du goûter, et là on s’aperçoit combien la vieillesse fait retomber en enfance, tous ces gens âgés sirotant leur grenadine et mangeant leur biscuit. Et la patience d’ange de l’aide soignante les servant, les appelant par leur prénom, etc…

Elle aussi a essayé de répéter à ma mère qui j’étais, me disant que si j’y allais régulièrement elle finirait par s’en souvenir et me connaître. ..

Je ne sais pas si je pourrais, si je trouverais la force…

Ma mère m’a demandé plusieurs fois si je travaillais, et où. Et aussi où je vivais, (dans la même ville qu’elle) elle disait alors « comme moi » ou aussi « il faudra venir me voir quand je serai chez moi ».

Puis est venue l’heure du rendez-vous, avec l’équipe soignante. Pour savoir si elle se trouvait bien, cela fait trois mois qu’elle est arrivée là et d’après eux , les progrès sont énormes. Elle a été livrée comme un colis dans une ambulance avec trois vêtements dans un sac plastique, n’a jamais récupéré ses affaires de la précédente maison de retraite…

L’équipe nous a fait une excellente impression, chaleureuse et attentive. J’ai pu résumer son histoire dont ils ne savaient quasiment rien. A ma question, ils ont enfin mis un nom sur sa maladie, question qui me taraude depuis si longtemps. Et le psy a entendu que derrière se cachait la question de l’hérédité, sur laquelle il s’est montré extrêmement rassurant.

Il a été question de son état, de son traitement, du bien fondé ou pas de l’appareiller auditivement et de soigner ses dents.

Après la réunion, je ne me suis pas sentie le courage de m’attarder plus longtemps, et aussi je crains que notre venue n’ait un peu bouleversé son équilibre fragile, et qui semble trouvé dans cet environnement stable. C’est ce dont elle a toujours eu besoin, d’être encadrée, sécurisée.

En peu de temps, tant de choses ont évolué, bougé. Je me sens davantage prête à assumer et à assurer, imparfaitement toujours mais tout de même plus sereine face à tout cela.

Mes larmes continuent à couler à la pensée qu’elle ne me connaît plus, qu’alors que j’étais son centre du monde, d’une manière étouffante et insupportable, elle ne sait désormais plus qui je suis…

Mais je lui ai pardonné ses erreurs, le fait qu’elle ait détruit ce que mes grands parents avaient construit.

Je ne sais pas ce que j’éprouve exactement,  ce n’est pas de l’amour, je ne crois pas, mais de l’empathie, de la compassion. Je me sens prête à faire des choses pour elle, comme je me suis occupée de ses vêtements, je lui ai commandé des chaussures car elle n’a plus rien pour se chausser à part ce que la maison de retraite lui a fourni.

Mais sa maladie fait qu’elle est hors d’atteinte, que les gestes que je ferai, elle n’en aura pas conscience, j’ai pensé lui écrire, lui envoyer des photos de ses petits enfants, et puis je me dis « à quoi bon ? »…

Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, pour le moment en tout cas. Un jour après l’autre, un pas devant l’autre…

 


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Commentaires
M
Votre témoignage est touchant et je vous souhaite bon courage de tout cœur.
M
Le premier pas est difficile, tu l as franchi dans l emotion et la souffrance de ses oublis ca fait mal,mais tu l as franchi.Je te souhaite une suite moins douloureuse,et qui sait un souvenir qui affleurera sa memoire et la tienne un lien fragile qui vous reliera de nouveau.Je te le souhaite fort<br /> <br /> Bises et courage<br /> <br /> Francoise
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